samedi 14 janvier 2017

corps de souffrance, corps en danse

Autres états du corps (cf l'article précédent)... certains souffrant tellement, comme ceux de Bernard Buffet ou ceux de Marc Petit, exposés récemment à Paris! Pourtant, l'un et l'autre imposent une telle force à leur création que la souffrance m'y apparait mobile, suggestive, proposant de multiples échos au lieu de figer le regardeur.


En effet il y a les souffrances qui se répètent, qui stagnent et font stagner l'alentour, et il y a celles qui sont recherche de vie, comme la folie peut être recherche de guérison.


Les portraits de Bernard Buffet nous regardent. Je me souviens qu'autrefois, lorsqu'il était au sommet de sa gloire mais décrié pour les nouvelles orientations de son travail, je m'étais détournée de ce que me suggérait cette oeuvre.... ces traits durs, ce noir, cette insistance... comme je m'étais détournée de bien d'autres oeuvres qui m'ont rattrapée crûment par la suite... Il faut parfois du temps pour accueillir psychiquement l'autre que l'on veut étranger.


Aujourd'hui, beaucoup de personnes de mon entourage se sont détournées de l'oeuvre de Marc Petit que je les invitais à découvrir à la galerie Schwab à Paris. Corps écrasés, encore? Mais l'artiste y cherche bien la vie, nous dit-il dans une video diffusée à la galerie. (La galerie inaugure le 28 Janvier un espace permanent Marc Petit dans ses locaux).


Ne pas renoncer, la vouloir toujours présente, cette vie, même quand elle semble avoir disparu... Cela doit faire écho à beaucoup de soignants et d'accompagnants de personnes au bord de la mort ou de l'inhumanité! Trouver toujours l'humain chez celui qui n'en a plus l'apparence...


Ecrasement des corps qui semblent à l'opposé de la danse ou des "soulèvements" que propose le musée du Jeu de Paume à Paris? Pourtant, peut-être peut-on les voir plutôt comme des corps captés juste avant qu'ils se soulèvent, qu'ils soulèvent des montagnes...


Alors pour "enlever" la fin de cet article comme un rythme musical, j'évoquerai la création d'états du corps magnifiquement sensuels, respirés et enjoués, même dans la gravité du monde, que nous offre Sébastien Laudenbach avec son film "La jeune fille sans mains". 


En lisant un tel titre, on pense à ces portraits liés aux mutilations des guerres comme celui de Kirchner "Autoportrait en soldat", datant de 1915 (facile à trouver sur internet): une main coupée montrée mais non éprouvée par le peintre dans la réalité de son corps et portant à elle seule la trace des mutilations de tous ordres imposées par cette guerre de 14. Il y a aussi le texte de Blaise Cendrars, du même nom. J'y reviendrai.


Mais dans le troublant film de Laudenbach, le scénario s'inspire d'un conte des frères Grimm. Les mains de la jeune fille ont été coupées non pas pendant la guerre mais dans l'intime de la vie familiale. Il y aura fallu cependant l'intervention d'un diable tentateur... Une création à contre-courant, pourrait-on dire, comme savent nous y inviter les contes et pourtant qui laisse une mélodie en tête, un souffle, comme un trouble de beauté à faire résonner avec notre monde si déroutant, et tout cela grâce au concours d'un conte et d'un dessinateur inspiré...