vendredi 8 juillet 2016

Le nom d'un jardin pour les moines de Tibhirine

Régulièrement la reconnaissance de certains évènements de l'histoire entre la France et l'Algérie se fraye un chemin à travers les commémorations, les discours et les plaques inaugurées à ces occasions; ces plaques que l'on "découvre", selon une terminologie suggestive évoquant la sortie de l'anonymat ou de l'ignorance d'un évènement, mais aussi une mise au jour effective avec le geste rituel de levée du voile.

Il y avait eu déjà à Paris, en Février 2007, l'inauguration par le Maire Bertrand Delanoé de la plaque sur la manifestation de "Charonne" de Février 1962, au carrefour de la rue de Charonne et du Boulevard Voltaire dans le XIème arrondissement.

Puis en Février 2014 l'inauguration du nouveau nom de la station de métro "Charonne" auquel s'est ajouté désormais celui de "Place du 8 Février 1962". Auparavant avait été inaugurée le 17 Octobre 2011, également par Bertrand Delanoé, la plaque du quai St Michel pour commémorer la manifestation pacifique d'octobre 1961 qui avait causé tant de débordements et de morts. 

Cette fois-ci la nouvelle plaque est posée au square St Ambroise, toujours dans le XIème arrondissement de Paris, en hommage aux moines de Tibhirine, dont on célébrait le vingtième anniversaire de la mort en Mai dernier.

Cette inauguration a été accompagnée par la paroisse de l'église St Ambroise qui propose actuellement une exposition sur l'engagement et l'expérience de ces moines.

Ceux-ci en effet avaient choisi, à l'époque, de rester auprès des villageois algériens avec lesquels des liens forts s'étaient noués malgré les menaces pesant sur eux. Le Père Christian de Chergé, prieur du monastère pendant cette période, s'en est expliqué notamment dans un testament spirituel qu'on peut se procurer dans cette exposition. Et ces évènements sont la base du film de Xavier Beauvois "Des hommes et des dieux", sorti en 2010. Par ailleurs, le monastère est doté d'un site fort intéressant sur son histoire et sa vie d'aujourd'hui.

Cet assassinat, mal élucidé encore, continue d'empoisonner les relations entre les deux pays. Mais pas à pas la chape de silence est entamée. C'est ainsi que des prélèvements ADN avaient été effectués en 2014 lors d’une exhumation des crânes des sept moines enterrés à Tibhirine. Mais les juges et les experts français qui y avaient assisté n’avaient pu les ramener en France. Cette fois-ci, le gouvernement algérien vient d'autoriser le rapatriement de ces prélèvements par la juge française Nathalie Poux.

Aujourd'hui, l'actualité amène beaucoup de journalistes à des mises au point sur le droit de manifester en France et sur les interdictions qui ont été annoncées dans le passé pour certaines manifestations. Il faut, semble-t-il, remonter jusqu'à celle de Charonne pour en retrouver des exemples. M'étonnant qu'il ne soit pas fait référence plutôt à celle du 17 Octobre 61, j'ai appris qu'elle n’est pas considérée comme une “manifestation” proprement dite par les pouvoirs publics.

Autre témoignage des tensions politiques non résolues autour de ce qu'en France on appelle "la guerre d'Algérie" et là-bas "la guerre d'indépendance"... Et ces tensions alimentent encore les blessures psychiques provoquées de part et d'autre par cette guerre (cf la première partie de mon livre  Rue Freud et les articles de ce blog des 4/12/2013 "Cheminements psychiques avec la guerre d'Algérie, 21/02/2014 "Carrefour de Charonne", et 8/03/2015 "1962,1968,1972,2014: histoire du cryptogramme de la faculté de Jussieu à Paris" ).

Prochain article prévu la deuxième quinzaine d'Août.