lundi 5 décembre 2016

Depuis Novembre 2016

Lors de "radios-trottoirs" de chaines télévisées, on pouvait entendre que l'état des connaissances du public sur ce que commémorait l'Armistice du 11 Novembre était bien flou. Sans doute aussi aussi sur le sens même de ce mot bizarre, "armistice" (du latin "arma", arme et "sistere" arrêter, d'après le Dictionnaire Le Robert).

En cette période qui suit le jour des morts, les cimetières sont généralement très fleuris et j'ai pu le constater récemment à Sète. Bien sûr, tout le monde connait le cimetière marin de Sète mais on ne sait pas toujours qu'il y a deux cimetières à Sète, le fameux dit "marin" et l'autre dit "Le Py".

Quand on cherche la tombe de Georges Brassens, on s'étonne parfois de ne pas la trouver avec celles de Paul Valéry ou de Jean Vilar. C'est qu'il se trouve dans cet autre très beau cimetière, celui qui n'a pas été immortalisé par le grand poète Valery. 

Dans ce cimetière Le Py on trouve aussi des carrés instructifs, celui des Musulmans, celui des enfants. Et puis les carrés militaires avec un ensemble de tombes datant de la guerre de 14, de celle de 40 et de celles de la décolonisation. Beaucoup de noms d'origines diverses, des noms arabes, notamment, mais aussi, plus surprenant, des noms allemands de combattants de la guerre de 14 ayant été soignés dans la région.

En me documentant, je redécouvre qu'il n'a pas toujours été possible d'enterrer individuellement un soldat. Ce devrait être une évidence, et pourtant, dans ce contexte, cette donnée prend une nouvelle portée.

Dans un passionnant article publié dans un ouvrage collectif  "Les cimetières militaires de la grande guerre 1914-1940" (Editions La Découverte, 2011),  l'historien Antoine Prost rappelle ceci: "Un cimetière étant par définition une réunion de tombes individuelles, parler de cimetière militaire, c’était affirmer que tout soldat, quel que soit son grade, avait droit à une sépulture individuelle, alors qu’auparavant, seuls les officiers bénéficiaient de ce privilège, les soldats étant inhumés anonymement dans des fosses communes. La reconnaissance du droit de tout soldat à une sépulture individuelle consacre donc l’égalité fondamentale des citoyens."


Et la loi du 29 décembre 1915 énonçait désormais : « tout militaire mort pour la France a droit à une sépulture perpétuelle aux frais de l’État ». Nécessité donc d'inscrire les noms et de ne plus s'en tenir au jet des restes des corps dans la fosse commune. Quel pas symbolique important!

Cette avancée va de pair avec l'évolution du travail des historiens sur les guerres, ceux-ci étant devenus beaucoup plus attentifs depuis cette "grande" guerre dont l'armistice se commémore en Novembre, aux destinées individuelles des soldats ainsi qu'à celles des civils à l'arrière des fronts. Et de nos jours, c'est aussi aux suites de la guerre chez les descendants des soldats et des combattants qu'ils s'attellent en s'appuyant beaucoup sur les témoignages, travail qui peut être mis en relation avec ce qu'abordent parfois les psychanalystes avec la parole des héritiers des générations suivantes sur leurs divans.

Les cimetières si fréquentés en ces périodes de Novembre ont toujours tant de choses à nous apprendre et tant d'émotions à nous faire vivre, à la croisée des histoires individuelles, familiales et de la grande Histoire! A condition toutefois de s'y attarder, d'y ouvrir les yeux, d'y lire les inscriptions multiples qui se présentent et leurs résonances en nous...

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