vendredi 9 septembre 2016

Pei Ming, ruines du temps réel


Un titre intrigant pour une magnifique exposition Yan Pei Ming proposée par le Centre régional d'art contemporain de Sète. Que peuvent être des "ruines de temps" ? Et que serait un temps autre que réel ?


Ce n'est pas l'oeuvre d'un poète ni d'un philosophe qui est ici présentée mais bien celle d'un artiste célèbre...Ces ruines ont à voir avec la guerre, les guerres, celles de toujours et d'aujourd'hui mais aussi celles qu'ont peintes de grands artistes d'autrefois comme Le Caravage, Velasquez ou Géricault (ci-contre l'un des tableaux du diptyque d'après Caravage La crucifixion de St Pierre).


Lors des commémorations de la guerre de 14-18, un des tableaux de Pei Ming était exposé au Louvre-Lens, inspiré de Goya, intitulé "Exécution d'après Goya" (Cf article de ce blog du 4/08/2014). L'artiste crée ainsi à partir de l'Histoire, de la culture, aussi bien que de l'actualité, en y introduisant la temporalité de sa propre création et en rebond avec celle des créateurs de toujours: "peintures d'histoire et histoires de peinture", selon le livret de l'exposition.


Série des Black Birds 
L'ensemble de cette oeuvre sollicite notre regard de spectateur à devenir historien en se rendant réceptif à ces multiples références qui la nourrissent. Pei Ming, artiste historien comme peut l'être Anselm Kiefer, par exemple. Artiste qui suscite avec son art un regard politique.


Alors que l'évolution du monde peut sembler nous dépasser, dépasser chacun d'entre nous, Pei Ming s'empare de quelques épisodes saisissants dans l' actualité politique de ces dernières années ( mort de Jean-Paul II, attentat-suicide de Benazir Butto, printemps arabe, parmi d'autres) pour en faire des prismes à travers lesquels, en tant que regardeurs, nous pouvons nous rassembler, rassembler notre pensée, notre rêverie, notre capacité à nous sentir appartenir à ce monde. La série à laquelle appartient l'avion ci-dessus porte le nom d'avions espions américains au temps de la guerre froide.  


Le titre de l'exposition est celui de l'une des dernières œuvres exposées : sorte d'apothéose de la destructivité humaine qui m'a fait penser à l'oeuvre de Jérôme Bosch (Impossible à évoquer avec un iphone). Et certaines oeuvres donnent une place de juge aux animaux tout en les montrant par ailleurs aussi destructeurs que les humains.



Invisible women
Pourtant ce n'est pas nécessairement du désespoir que suscite l'ensemble présenté ici. Il peut faire plutôt éprouver une émotion immense devant la capacité de ces artistes-là à nous emmener dans leur univers créatif pour nous permettre d' accueillir le monde dans lequel nous vivons, de l'éprouver de façon nouvelle, d'ouvrir autrement notre réceptivité, de lui donner une dimension politique.


L'occasion d'une ouverture précieuse pour ceux qui pratiquent la psychanalyse, comme pour beaucoup d"autres, sans doute, aussi... En particulier, en écho à ces entrechocs de temps proposés déjà dans le titre de cette exposition et qui se rencontrent dans la vie psychique et ses saisissements traumatiques. (L'exposition se termine le 25 Septembre 2016).


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