jeudi 20 août 2015

Temps, lien et destruction

Ces mains m'ont immédiatement fait penser au travail et au lien des psychanalystes Françoise Davoine et Jean-Max Gaudillière (décédé il y a quelques mois), auxquels je me réfère souvent sur ce blog. Elles proviennent d'une stèle attique datant du 4ème siècle avant JC.


La permanence de ce  geste de mains, qui se joignent -ou se disjoignent, on ne sait- appelle, en quelque sorte, le temps dans toutes ses dimensions. Elle maintient inscrite dans le marbre une longue histoire feuilletée: celle des Grecs dans leur antiquité, celle de l'art et des guerres politiques, si étroitement entremêlés jusqu'à nos jours dans de nombreuses sociétés, celle de ces deux personnages sculptés, suffisamment importants sans doute pour avoir été pris comme modèles d'une œuvre d'art, incarnant un symbole essentiel du lien.


Ces mains disent le mouvement de ce lien symbolique dans la longue durée et au-delà des destructions multiples qui l'attaquent continuellement. Il maintient  une permanence à plusieurs niveaux, à travers les transformations du monde, des sociétés, et  du rapport de celles-ci aux œuvres d'art.


Je ne dispose pas de renseignements suffisants actuellement sur ce fragment pour approfondir mes hypothèses avec les apports de l'histoire de l'art, mais la légende de la carte postale évoquant une "stèle" fait penser qu'il peut s'agir d'une stèle funéraire. Ceci confirmerait encore la configuration singulière de cette représentation du travail des temps telle qu'elle nous parvient, à travers une oeuvre funéraire, sa conservation malgré sa destruction, sa photographie et son exposition actuelle dans un Musée. 


En effet, ces mains sont exposées à Athènes, au Musée de l'art des Cyclades, tout près de la place Syntagma où se manifestent particulièrement les débats politiques de la Grèce d'aujourd'hui.


Elles me semblent donner une représentation saisissante du temps feuilleté dont parlait Jean-Max Gaudillière dans son séminaire à propos des œuvres créées dans le temps du trauma; œuvres superposant les temps et même les imbriquant selon une logique difficile à déchiffrer à laquelle il tentait de nous rendre réceptifs.


Cette représentation d'une permanence possible du lien dans l'imbrication des temps, face à l'attaque permanente dont il est l'objet, peut aussi se lire psychiquement en relation avec la relecture que faisait Jean-Max Gaudillière du travail de W.Bion sur les liens psychiques et le temps.