mardi 27 janvier 2015

Nicky de Saint-Phalle? Feu!




Les évènements récents m'ont amenée à différer la mise en ligne du nouvel article prévu. Le précédent consacré encore une fois à Fautrier pouvait s'inscrire dans le fil de ce que provoque cette forme de guerre terroriste, ce rapport meurtrier à l'autre que nous ont obligés à regarder d'une autre façon encore les fusillades de Janvier et notamment celle de Charlie hebdo.  


"Charb? -C'est moi.." Et s'en est suivi son assassinat après les précédents et avant les suivants. Il se trouve que l'exposition Nicky de Saint -Phalle qui en est à ses derniers jours à Paris au Grand Palais peut apparaitre comme une magnifique affirmation face aux terroristes de tous bords.


Elle l'a dit elle-même: "J'ai eu la chance de rencontrer l'art parce que j'avais sur le plan psychique tout ce qu'il faut pour devenir une terroriste! Au lieu de cela j'ai utilisé le fusil pour une bonne cause, celle de l'art." Elle a créé, elle a sculpté, peint, fabriqué, assemblé, elle a mis en scène artistique l'acte de tuer son père, tuer et tuer encore, en peinture! "En tirant sur moi, j'ai tiré sur la société et ses injustices. En tirant sur ma propre violence, je tirais sur la violence du temps." (cf dépliant de l'exposition).


Affiche NIki de Saint PhalleSes tirs, à valeur thérapeutique pour elle, sont partie intégrante de son regard sur l'humanité et le monde. Elle a tout aussi bien célébré la vie, la femme, le mouvement, l'amour. Son travail créateur s'adresse ainsi à tous. Il peut rejoindre chacun dans son intimité tout autant que dans sa réflexion politique et philosophique.


C'est bien comme celui des caricaturistes aux rires cinglants ou goguenards, et des poètes chanteurs qui dénoncent en souriant "les braves gens n'aiment pas que..." 

samedi 10 janvier 2015

L'Enfer de Fautrier 3


Les évènements de ces jours derniers auraient pu m'inciter à intituler cet article "L'Enfer de Charlie". La guerre, encore, les guerres, toujours, sous leurs formes indéfiniment renouvelées, et le travail des créateurs pour penser le rapport des humains à l'horreur, la barbarie, et leur haine récurrente de la civilisation.


Les rebonds des guerres les unes sur les autres, leurs effets psychiques d'une génération à l'autre, c'est bien à cela aussi que Jean Fautrier semble avoir eu affaire avec sa série des "Otages". 



Un certain nombre de commentaires sur mes deux articles le concernant m'étant parvenus directement sans être passés par le blog, comme celui de Jacqueline, sa compagne, évoqué dans "L'Enfer de Fautrier 2", je choisis d'en reproduire un autre ici, en accord avec son auteur.


"A propos de Fautrier  et d'une lecture de V. I. Stoichita, historien d'art":
En marchant et en regardant, deux mouvements très présents dans le travail de Claude de la Genardière qui portent à multiplier les points de vue et à sortir du sillon. L'interprétation des images en particulier doit être constamment remise sur le métier pour ne pas tomber dans les idées reçues ou dans les séries de clichés. 


 Fautrier a peint cette série d'otages qui se ressemblent tous et sont tous différents, peut-être des visages saccagés qui perdent leur singularité mais aussi une altérité radicale que personne ne peut faire disparaître. Le traumatisme semble être figuré dans ces traits fondus, non discernables, si ce n'est à retrouver une forme cellulaire, fœtale, laisser des traces, renaître de ses cendres? 



A la lecture de Claude de la Genardière, "en marchant, en écrivant" j'ai trouvé un écho dans le beau livre de Victor I. Stoichita : "L'image de l'Autre" (Hazan 2014), qui revient sur les représentations de l'autre dans la peinture occidentale d'avant le XVIII° s. Il marche et regarde ces divers tableaux où l'étranger apparaît à celui qui sait voir et se laisser bouleverser par ce qui n'est pas spéculaire. 


Cet auteur nous propose de repérer dans l’image et certains détails, l’élément qui décentre, le dissemblable, le différent, l’étranger intérieur qui observe la scène, invente l’histoire. C’est une question de regards, de rencontres et d’associations entre les images afin d’élargir les limites d’une identité restreinte et renouveler notre vision d’autrui. 


Il y a peut-être toujours du traumatisme à minima quand cette « altérité fait intrusion » si différente de ses propres repères. L’image sort des canons habituels, loin d’être spéculaire.


Claude de la Genardière nous donne l’exemple, à travers ses fils tressés, d’une recherche ouverte sans contours précis, avec des trouvailles pour inventer d’autres recherches sans aboutir, forme d’intimité étrangère et partagée. 

Cette référence à l'étranger et à l'effet possible d'intrusion de l'altérité me semble bien faire écho à certaines des questions reposées par les fusillades de ces derniers jours, alors que ce commentaire les précédait.